Histomag 44 Hors Serie 4.pdf

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Page  3: Editorial  
Page  4: Les crimes contre l’Humanité par S.Saur 
Page  5: L’Aktion T4, antichambre de l’Horreur par S 
Delogu 
Page  8: De l’antisémitisme aux sites d’extermination par 
A. Tagnon 
Page  15: Interview du Père P. Desbois par F. Delpla 
Page  16: L’action Reinhard par N. Mousnier 
Page  27: Les trains de la Mort par E. Giguère 
Page  30: Les Einsatzgruppen par D. Laurent 
Page  34: Belzec, premier centre d’extermination de 
l’Aktion Reinhard par N. Mousnier 
Page  50: Rencontre avec M. H Kichka par L. Liégeois 
Page  51: « Nuit et Brouillard », une procédure mythique 
et méconnue par N. Mousnier 
Page  62: Les cobayes humains par D. Laurent 
Page  69: Le Négationnisme par F. Delpla 
Page  70: Visite guidée d’un camp de concentration : 
Natzviler‐Struthof par S. Saur 
 
 
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Editorial
Daniel Laurent dans un article nous démontre que le crime
nazi est présent même chez les médecins. Il nous rappelle que
les camps ont permis à certains d’entre eux d’effectuer des
expériences dont les résultats cliniques sont considérés comme
nuls et qu’ils se sont acharnés sur de pauvres victimes.
François Delpla a rencontré le père Desbois, et a pu
l’interviewer pour nous. Il faut rappeler que le Père Patrick
Desbois, depuis près de dix ans, recueille des témoignages de
ceux qui ont été témoins de la « Shoah par balles » en
Ukraine. A ce propos, Daniel Laurent dans un article précis,
nous présente les exactions commises par les Einsatzgruppen
responsables à l’est de la « Shoah par balles ». De même, dans
un des nombreux encarts de cette livraison dont il est l’auteur,
il s’étonne, à juste titre, des faibles condamnations obtenues
par les principaux responsables de ces « commandos mobiles
de tuerie » comme les présente Raul Hilberg dans sa somme :
« La destruction des Juifs d’Europe »
Dans un article original, Sébastien Saur mêle illustrations
réalisées par les détenus et photos actuelles, pour nous
présenter le camp du Struthof. Son article historique nous
rappelle que, sans avoir à traverser l’Europe, nous pouvons
découvrir, en France, l’univers concentrationnaire.
Par Philippe Parmentier
Alors que nous avons fêté il y a quelques jours le 65ème
anniversaire de la Libération du camp d’Auschwitz, des
questions sur le génocide demeurent encore sans réponses.
D’ailleurs aurons-nous un jour l’ensemble des réponses.
Notamment il est encore aujourd’hui difficile de statuer
définitivement à la question relative de savoir, quand et
comment le génocide a été mis en œuvre.
Ces dernières années les travaux sur l’histoire du Génocide
des Juifs ont apporté certains éclaircissements notamment les
travaux de M. Edouard Husson. En effet dans son ouvrage sur
Heydrich et la Solution finale 1 , il démontre le rôle central du
chef du RSHA dans la « marche à la solution finale de la
question juive en Europe »
A la lecture du sommaire, vous remarquerez qu’à travers
l’ensemble des articles composants cet HS, l’équipe de
rédaction a tenté de présenter la plupart des crimes commis
par les nazis. Mais nous n’avons pas pu prétendre à
l’exhaustivité tant le sujet d’étude est vaste.
Sébastien Saur dans un article introductif nous rappelle ce que
nous devons entendre et comprendre lorsque nous évoquons
les crimes contre l’Humanité. Après un rappel historique, il
met en perspective de la notion du Crimes contre l’Humanité
en regard de sa singularité vis à vis des autres crimes de
guerre.
Stéphane Delogu dans son article sur l’Aktion T4 nous
explique que les prémices de la Solution Finale se trouvent
dans l’eugénisme pratiqué par les nazis, par l’assassinat près
de 70 000 handicapés, considérés comme improductifs par les
nazis et devant ainsi être éliminés.
L’article d’Alain Tagon nous montre comment l’Allemagne
Nazie, par une politique adaptée faite de propagande est
passée d’un antisémitisme « traditionnel », et qui était présent
dans bien des pays d’Europe à l’époque, au crime organisé
que fut le Judéocide.
Dans un article très complet et synthétique Nathalie Mousnier
nous présente l’Aktion Reinhard. Décidée à la conférence de
Wansee, cette opération est la « suite logique » de l’Aktion
T4. Nathalie Mousnier nous montre les tenants et les
aboutissants de cette opération qui a eu pour conséquence
l’assassinat de la plupart des juifs du Gouvernement général.
De même dans son article sur le camp de Belzec, après avoir
présenté l’historique de ce camp, elle s’attache à nous faire
part et nous présenter des témoignages touchants de victimes,
ainsi que ceux de bourreaux.
La contribution de Nathalie Mousnier à cet HS ne s’arrête pas
en si bon chemin car dans un dernier article, elle nous présente
l’opération « Nuit et Brouillard », opération peu connue, en
marge des crimes nazis mais qui a permis la déportation de
nombreux résistants mais aussi de civils dans des camps de
l’univers concentrationnaire. Comme dans ses précédents
articles, elle s’attache avec rigueur à nous présenter les
spécificités de cette opération, tout en nous livrant des
témoignages très émouvants.
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Il me reste à remercier au nom de toute l’équipe de rédaction
M. Henri Kichka, rescapé des camps de la mort, qui a eu la
gentillesse de répondre aux questions posées par les membres
du Forum « Le Monde en Guerre » et par l’intermédiaire de
Laurent Liégeois. Profitons aujourd’hui des témoignages des
rescapés, eux qui ce sont tus pendant des années
En vous souhaitant une bonne lecture
Edouard Husson, Heydrich et la solution Finale, Perrin, 2008
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Les Crimes contre l’Humanité
Par Sébastien Saur
Lorsqu’en août 1914 commence la Première Guerre mondiale,
il se trouve peu d’esprits éclairés capables de comprendre
qu’une époque prend fin. Le XXe siècle sera, comme l’a
défini l’historien Eric J. Hobsbawn, L’Âge des extrêmes. Il
commence avec l’extrême violence de la Première Guerre
mondiale et se finit avec l’extrémisme religieux responsable
des attentats du 11 septembre 2001, qui ouvrent dans le sang
le XXIe siècle. Entre les deux, le monde a fait connaissance
avec les notions nouvelles de guerre totale, de génocide, et
surtout de crime contre l’Humanité.
Le Tribunal international de Nuremberg et son corollaire le
Tribunal international pour l'extrême Orient de Tokyo,
resteront cependant durant de longues années un cas unique
dans l’Histoire. Un projet de Tribunal pénal international sera
suspendu en 1954 par l’Assemblée Générale de l’Organisation
des Nations Unies et ne sera réévalué qu’à la chute du bloc de
l’Est.
Au début des années 90, deux événements majeurs poussent à
la mise en place de deux tribunaux internationaux: la guerre
en ex-Yougoslavie (1991-1995) et le génocide perpétré par les
Hutus à l’encontre des Tutsis au Rwanda (1994). Sont ainsi
créés le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
(TPIY, institué le 25 mai 1993 par la résolution 827 du
Conseil de sécurité de l’ONU), et le Tribunal pénal
international pour le Rwanda (TPIR, institué par la résolution
955 du Conseil de sécurité de l’ONU).
C’est sur la base des statuts de ces deux tribunaux, qui
s’appuient eux-mêmes sur les statuts du Tribunal de
Nuremberg, que s’établissent les statuts du la Cour pénale
internationale, mise en place le 11 avril 2002. Désormais, la
notion de crime contre l’Humanité est élargie, et constitue un
atroce inventaire à la Prévert : « meurtre ; extermination ;
réduction en esclavage ; déportation ou transfert forcé de
population ; emprisonnement ou autre forme de privation
grave de liberté physique en violation des dispositions
fondamentales du droit international ; torture ; viol, esclavage
sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation
forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité
comparable ; persécution de tout groupe ou de toute
collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique,
racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste (…) ou
en fonction d’autres critères universellement reconnus comme
inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout
acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de
la compétence de la Cour ; disparitions forcées de personnes ;
crimes d’apartheid, autres actes inhumains de caractère
analogue causant intentionnellement de grandes souffrances
ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé
physique ou mentale » sont désormais passibles d’un
jugement pour crime contre l’Humanité (article 7 du Statut de
la Cour pénale internationale).
Les massacres de masse, déportations de populations, tortures,
réductions en esclavage, viols et autres atrocités ne sont pas
une nouveauté de ce siècle, ils sont consubstantiels de
l’humanité, ou plutôt de l’inhumanité. Leur dénonciation n’est
pas non plus nouvelle : de Spartacus aux philosophes des
Lumières, en passant par Bartolomé de Las Casas, les voix ont
été nombreuses à dénoncer l’oppression de l’Homme envers
son prochain. Mais il a fallu attendre le traumatisme de la
Première Guerre mondiale, et la déshumanisation de la guerre
qu’elle a apporté, pour qu’apparaisse l’idée d’une justice
internationale capable de punir les bourreaux et de protéger les
victimes.
C’est dans ce contexte qu’apparaît pour la première fois en
1915, dans une note du ministère des Affaires étrangères
français adressée à l’agence de presse Havas. Elle dénonce les
opérations menées par les Turcs contre la population
arménienne, et utilise pour la première fois l’expression
« crime contre l'humanité et la civilisation ». Etant donné le
contexte de guerre, il s’agit cependant plus ici de la part des
Français d’une volonté de propagande anti-turque que d’une
réelle volonté de justice. La mise en place, en 1920, d’une
cour de justice internationale, chargée de juger « les crimes
contre l’ordre public international et le droit des gens
universel, qui lui seront déférés par l’Assemblée plénière de la
SDN ou par le Conseil de cette Société », est repoussée par la
SDN, qui trouve l’idée prématurée.
Il faut attendre le 8 août 1945, lors de l’accord de Londres, qui
institue le Tribunal international de Nuremberg, pour que la
notion de Crime contre l’Humanité reçoive sa première
définition juridique. Les statuts du tribunal Nuremberg
précisent ainsi que: « l’assassinat, l’extermination, la
réduction en esclavage, la déportation et tout acte inhumain
commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la
guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques
raciaux, ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu’ils
aient constitué ou non une violation du droit interne du pays
où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime
rentrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce
crime » constituent un crime contre l’Humanité (article 6 des
statuts du Tribunal international de Nuremberg).
On le voit, la notion de crime contre l’Humanité, aussi
évidente qu’elle semble à première vue, n’est pas figée dans le
temps, et encore moins présente de toute éternité. Son
apparition est récente, sa définition juridique extrêmement
compliquée. Elle constitue cependant un jalon fondamental de
l’Histoire: elle marque la prise de conscience par l’Homme de
sa propre capacité à nuire à son prochain, et sa volonté de
s’élever au-dessus de son statut d’animal, qui avait fait dire à
Plaute, au IIIe siècle de notre ère : « homo homini lupus »,
l’Homme est un loup pour l’Homme.
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L’Aktion T4, Antichambre de l’Horreur
par Stéphane Delogu
En imaginant l’opération T4, les nazis défrichent un
terrain épouvantable, sans pourtant en être à l’origine :
celui de l’eugénisme. Ce concept s’appuyant sur un
principe de sélection naturelle au sein d’une société,
prétend ainsi préserver les élites des tares d’une
population exposée aux dégénérescences les plus diverses,
reflet de sa condition.
Loin d’être un phénomène confidentiel, l’eugénisme est
clairement abordé par Charles Darwin et ses principes affinés
par l’anglais Francis Galton. Une société telle que celle voulue
par Hitler ne peut que s’ériger en fervente adepte de la
sélection naturelle des individus et au besoin « alléger le
calvaire de ceux avec qui la nature s’est montrée implacable ».
Le Reich ne peut régner sur le monde qu’au moyen de
représentants génétiquement purs et ne tolère ni les handicaps,
ni les déviances, ni des origines raciales incertaines. Les nazis
dépassèrent finalement les frontières les plus improbables de
l’eugénisme en le teintant de racisme, le tout mêlé à un
cynisme dont le seul but était de faire admettre le principe
d’euthanasie des « indigents » à la population allemande.
sang et de l'honneur allemand » et la loi du Reich sur la
citoyenneté allemande.
COMMENT LE CRIME FUT RENDU POSSIBLE
Pour comprendre totalement comment une telle aberration fut
rendue possible, il est nécessaire de s’imprégner des dogmes
fondateurs de l’idéologie nazie, où la conception de l’Humain
se situe à l’opposé de nos propres normes. Les hommes et les
femmes ne sont pas des personnes au sens littéral, mais des
sujets. Ainsi qu’il l’annonce clairement dans Mein Kampf, le
monde doit être gouverné par des représentants de la race
germanique, génétiquement sains, endurants et implacables,
imprégnés totalement par le national socialisme. Il n’est donc
plus question d’individualités, mais d’un ensemble cohérent
jusque dans l’horreur où ceux ne répondant pas aux critères
énoncés n’auront pas leur place : ils seront esclaves, au rang
d’ Untermenschen ( par opposition aux surhommes ou
Übermenschen) , ou, pire, condamnés à l’euthanasie parce que
jugés improductifs ou nuisibles au Reich. Ainsi, des millions
d’être humains deviennent-ils d s « unités », terme
couramment employé dans l’univers concentrationnaire (1).
En modifiant fondamentalement les critères définissant
l’espèce humaine, les nazis rendirent ainsi le crime possible,
puisque ceux à qui l’on appliqua l’Aktion T4 ne peuvent
prétendre au rang d’êtres humains. Cette notion apparait
essentielle lorsqu’il s’agit d’expliquer comment un système
étatique pu pratiquer le crime à une telle échelle sans remord
ni regret. La notion de responsabilité individuelle fut par
ailleurs amoindrie voire totalement annihilée par plusieurs
dispositions légales périphériques. C’est par exemple le cas de
la loi du 14 juillet 1933 sur la stérilisation eugénique. Les lois
de Nuremberg consacrent finalement le droit à donner la mort
en toute impunité et s’appuient sur la loi sur « la protection du
Karl Brandt, médecin personnel de Hitler, responsable avec
Bouhler de la mise en œuvre de l’Aktion T4. (DR)
L’Aktion T4 tire également sa raison d’être, si tant est qu’il
fût possible qu’elle existât, d’une seconde considération,
purement économique : les déficients ne sont d’aucune utilité
au Reich pour qui ils constituent un poids mort et de surcroit
entrainent des dépenses inutiles. Si la conception de
l’opération d’euthanasie de fait dans le plus grand secret, sa
justification se retrouve même dans les manuels scolaires.
Voici un problème d’arithmétique tel qu’il était présenté aux
élèves allemands des années 30: « un aliéné coûte
quotidiennement 4 marks, un invalide 5.5 marks, un
criminel 3.5 marks. Dans beaucoup de cas, un
fonctionnaire ne touche quotidiennement que 4 marks, un
employé 3.5 marks et un employé 2 marks. Faites un
graphique avec ces chiffres. D’après les estimations
prudentes, il y a en Allemagne environ 300 000 aliénés,
épileptiques, etc. dans les asiles. Calculez combien coutent
annuellement ces aliénés et épileptiques, combien de prêts
aux jeunes ménages à 1000 marks pourrait on faire si cet
argent
pouvait
être économisé ? »
La
réponse
est
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